Le prix Pierre-François Caillé de la traduction 2021 a été décerné le 26 novembre à Benjamin Pécoud pour sa traduction de l’allemand de L’Enfant lézard de Vincenzo Todisco aux Éditions Zoé
C’est une vie solitaire et terrifiante qui défile page après page. Celle d’un enfant, qui doit vivre caché. Introduit clandestinement en Suisse par des parents travailleurs immigrés italiens, il doit se dissimuler pour éviter d’être renvoyé dans son pays d’origine. Il n’a pas de prénom. Privé de la plus élémentaire des identités, il devient l’enfant lézard : celui qui se faufile, rampe, se fait discret pour échapper à un destin funeste. Pas d’école, jamais de sorties, privés de jeux, il se réfugie dans un monde imaginaire où les cachettes – dans une fissure, sous un meuble, un trou dans un mur – deviennent son îlot de liberté. Le temps et l’espace sont quadrillés en pas comptés ; ainsi la nuit est-elle « longue de plus de mille pas ». Une vie à l’écart, dans l’ombre et qui vire au cauchemar.
Pourtant habitué à rédiger en italien (« sa langue de ventre » puisqu’il est fils d’immigrés italiens), Vincenzo Todisco a choisi d’écrire ce drame moderne en allemand, « sa langue de tête ». Sa raison ? L’italien est « une langue empathique, colorée, baroque », alors que l’allemand « est plus sobre et synthétique ». Pour traduire en français, Benjamin Pécoud a dû garder cette distance, « cette langue presque sèche qui m’évoque celle de Bernhard Schlink, à savoir choisir des mots qui restent généralistes, mettre à distance, ne pas provoquer trop d’émotions tout en saupoudrant une fine sensibilité », éclaire Bernhard Lorenz. « Le français implique plus de chaleur que l’allemand, un peu plus distancié, mais l’effet sur le lecteur est bien rendu ». La traduction épouse le rythme, le vocabulaire est précis, le ton juste. « On ne bute sur rien ; tout est fluide, le champ lexical est parfaitement maîtrisé et les phrases syncopées sont aussi vives que les mouvements des lézards », complète Sylvie Escat. Benjamin Pécoud avait déjà été repéré pour sa traduction en 2017 de l’ouvrage de Meral Kureyshi, Des éléphants dans le jardin. « Nous pouvons noter une réelle évolution dans son travail avec un récit empreint d’un bon niveau de français ne laissant pas transpirer la langue d’origine », conclut Philip Minns.
C’est la première fois que Vincenzo Todisco est traduit en français.
Décerné depuis 1981 par la Société française des traducteurs (SFT) avec le concours de l’École supérieure d’interprètes et de traducteurs (ESIT), le prix Pierre-François Caillé de la traduction récompense chaque année un traducteur qui débute dans l’édition (maximum trois ouvrages traduits et publiés).

par Jury du prix Pierre-François Caillé de la traduction
le 29 novembre 2021