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Entretien avec Alicia Martorell

Traductrice en sciences humaines, juridique et communication – FR > ES

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Alicia Martorell portrait

Pouvez-vous nous résumer votre parcours ?

Je suis devenue traductrice il y a plus de 30 ans. À l'époque, pas d'ordinateurs, pas d'internet, pas d'ouverture sur le monde. J'ai suivi les évolutions du métier avec l’aide des collègues, souvent plus jeunes que moi. Et je suis prête à suivre celles qui viendront. Je traduis du français vers l’espagnol. En 30 ans j'ai eu le temps d'explorer la traduction en long en large et en travers. J’aime bien écrire, je pense que c’est mon atout principal. Donc, je vais naturellement vers des secteurs où une bonne plume est appréciée, mais la vérité c’est que j’aime traduire et je tire du plaisir de n’importe quel texte. Mes domaines de prédilection sont les sciences humaines, le juridique (parce qu’il faut comprendre) et la communication : ces textes où il faut faire passer un message qui souvent est bien caché sous les mots. J’habite en Espagne, à Grenade, mais je suis née à Madrid et j’y ai vécu presque toute ma vie. Je lis comme une malade: en attendant mon tour à la caisse, au lit, dans le métro, pendant que je fais cuire un œuf, parfois même en marchant dans la rue. Je pense que la vie est trop courte.

Trois conseils tirés de votre expérience ?

  1. Un traducteur isolé n'a pas d'avenir. Aucun avenir dans le marché actuel. L’apprentissage, le support, l’information, et même les clients, viennent de la main des collègues. Et c’est mieux de s’associer, si possible dans deux pays différents, car nous n'évoluons plus dans un contexte national.
  2. Il faut assumer la précarité relative de l'indépendant et faire avec. Sinon, on ne décolle jamais et on devient l’otage de ceux qui tirent profit de notre peur. Même si on ne peut pas éviter la peur.
  3. Le traducteur est omnivore: il faut lire (même sur la boîte des céréales), étudier, connaître des gens, nourrir notre travail de la vie.

Un projet qui reste gravé dans votre mémoire ? Pourquoi ?

Il y en a beaucoup, mais je vais choisir mon premier grand projet muséographique. C'est la première fois (mais pas la dernière) que j’ai travaillé pour un client qui faisait son métier de client et de muséographe. J'ai beaucoup appris et c'est, je crois, la première fois que je me suis perçue comme un expert dans mon domaine : on m'écoutait et surtout on m'exigeait. Et on me demandait tout le temps de repartir à zéro et essayer de faire mieux : plus court, plus précis, plus fluide. En regardant en arrière, je suis très fière de mon travail, et je pense que le client était content aussi. D’ailleurs, nous avons eu l’occasion de retravailler ensemble d’autres fois. C'était l'exposition permanente Rive Gauche du Pont du Gard.

Une rencontre qui vous a marqué ? Pourquoi ?

Je pense d'abord à ma première prof de français : « lors j’avais 10 à peine… » Et nous sommes encore amies. Elle m'a appris le travail bien fait et qu'une langue ne s’apprivoise que de l'intérieur. Sans elle je ne ferais pas ce métier. Après, c'est une multitude de collègues qui me viennent à l'esprit, plus de 70, sans doute : ceux qui laissent ce qu’ils sont en train de faire pour relire ta phrase qui ne tourne pas rond, ceux qui te donnent de bon conseils, ceux qui font des recherches pour toi, ceux qui t’écoutent, ceux qui t’apprennent à connaître ta propre valeur. Et les clients, j’ai eu la chance d’avoir eu de très bons clients, qui m’ont beaucoup appris.

Votre réponse à la question « Pourquoi ne pas se contenter d’utiliser Google Translate ? ».

Google Translate (et tout autre machine à traduire) ce n’est pas l’Apocalypse et la fin des temps. Ce n’est qu’un instrument qui favorise souvent la communication (ça m’est arrivé de l’utiliser pour comprendre rapidement un site en japonais ou un texte en néerlandais). Pour certains textes, c’est même un bon outil pour le traducteur (à condition, bien sûr, de ne pas se faire voler la plus-value !). Comme tous les métiers, le nôtre change, parfois dans le bon sens et parfois dans un sens qui fait très peur. Mais il faut vivre avec : soit se faufiler dans les secteurs où Google n’est pas suffisant (et il y en a encore beaucoup), soit apprivoiser la bête et la faire travailler pour nous.

Comment voyez-vous le métier dans 70 ans ? Quel rêve voudriez-vous voir exaucé ?

Dans 70 ans je ne serai plus là (enfin, j’espère…), mais c’est sûr que ce métier sera très différent : il aura connu des hybridations avec d’autres, métiers, des changements de système de travail, des modifications dans sa fonction, dans ses règles économiques. En tout cas, je voudrais que ce métier reste aussi solidaire, qu’il nourrisse encore son traducteur et qu’il soit encore source de plaisir pour ceux qui le pratiquent, comme il l’a été pour moi.

La SFT, pour vous, ça représente quoi ?

Je fais partie de trois associations. Je ne milite activement que dans Asetrad, mais je suis fière d'appartenir à toutes les trois et reconnaissante de ce qu'elles font pour nous tous et pour le métier. J’ai adhéré à la SFT quand j’ai commencé à travailler dans le marché français, pour me prouver à moi-même, à mes clients, à mes collègues, que je n’étais pas de passage, que j’acceptais les règles du jeu et qu’ils pouvaient aussi compter sur moi. Que ce n’était pas une simple question de marketing. La SFT m’a apporté, en plus de collègues qui maintenant sont des amis, un point d’ancrage dans le français, la possibilité de connaître d’autres statuts, d’autres règles, d’autres façons de travailler, c’est-à-dire, de relativiser. Une association c’est le moyen de restituer une partie de ce qu’on reçoit des collègues, c’est ce qui fait avancer la machine. Les efforts individuels sont très bien, mais il ne sont jamais suffisants.

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